Slowhand

Eric Clapton, un nom qui résonne pour beaucoup comme la quintessence ultime du guitariste virtuose. Portant en lui les âmes déchirées de tous les bluesmen qui bâtirent sa culture musicale, de Robert Johnson à Little Walter, Slowhand fait partie au même titre que les Stones ou les Animals de ces jeunes anglais qui firent découvrir le blues à toute une génération dans les années soixante. Lui le petit blanc du Surrey comprendra très tôt que le blues ne se limite pas à en reproduire fidèlement ses accords et clés de guitare. C’est avant tout un mode de vie, un sacerdoce, une religion. La note bleue est l’abréaction artistique d’un mal être incurable, celui de la vie. Il n’est pas suffisant de jouer du blues, il faut le vivre. Et c’est ce que Clapton va s’atteler à mettre en pratique durant toute sa carrière, entre échecs professionnels et déboires sentimentaux, saupoudrés de drames tragiques avec la perte de nombreux êtres chers (dont le paroxysme sera atteint avec la mort de son fils de quatre ans en 1991). A commencer par le décès de Jimi Hendrix en 1970, l’enfant vaudou qui fit redescendre God de son Olympe. Le coup de grâce ne met pas longtemps à arriver avec la mort l’année suivante de Duane Allman, son frère de cœur avec qui il vient d’enregistrer sous le pseudonyme Derek and the Dominos, Layla & Other Assorted Love Songs (1971). Clapton sombre alors dans une forte dépression mais surtout dans l’héroïne qui n’est pas loin de faire de lui le prochain membre à rejoindre le club des 27. Pete Townsend des Who le sortira alors de sa descente aux enfers en organisant son come-back au Rainbow Theatre le 13 janvier 1973 avec notamment la présence de Ron Wood et Steve Winwood. Après des années d’insistance Pattie Boyd, la femme de son copain George Harrison, cède finalement à ses avances et décide de le suivre à Miami. Tout semble enfin sourire à Clapton qui peut retourner aux affaires et enregistrer sa deuxième galette après un hiatus qui aura duré trois ans. C’est un départ pour une nouvelle vie et le début de sa longue et prolifique carrière solo.

 

God is Dead... :

Le véritable point de départ est donc ce LP qui voit le jour aux studios Criteria sous le soleil de Floride au printemps 1974. Un lieu d’enregistrement mythique qui vit défiler des pointures comme Aretha Franklin, The Beach Boys, Bob Dylan ou John Lee Hooker. Des pierres angulaires de la musique furent gravées entre ces murs comme I Feel Good (1965) de James Brown, Hotel California (1976) par The Eagles ou encore Rumours (1977) de Fleetwood Mac. Clapton connait parfaitement la maison pour être venu y enregistrer son double LP avec Derek and the Dominos en 1970. Il refait d’ailleurs appel au même producteur Tom Dowd, le roi de l’enregistreur 8 pistes. Il s’entoure ensuite de musiciens qui lui resteront fidèles durant toute la décennie : George Terry (guitare), Carl Radle (basse), Jamie Oldaker (batterie), Dick Sims (claviers) ainsi que les choristes Marcy Levy et Yvonne Elliman. Radle qui avait bossé avec lui au sein des Dominos lui apporta une démo réunissant tous ces noms. Slowhand la qualifia de « simplement magnifique ». Ce nouveau groupe l’épaulera en studio pour ses prochains efforts mais l’accompagnera aussi dans ses incessantes tournées. Une longue collaboration qui s’avèrera une première pour Clapton, plutôt du genre à mettre les voiles après un an tout au plus. Le dernier membre de cette formation est probablement « Blackie », son emblématique Fender Stratocaster qui deviendra sa marque de fabrique des quinze années suivantes.

Eric Clapton devant son domicile au 461, Ocean Boulevard, Golden Beach, Floride.

Les sessions assez courtes s’échelonnent d’avril à mai 1974. Au moment d’entrer en studio, Eric a commencé à composer quelques bribes de morceaux, les laissant volontairement inachevés afin que ses nouveaux musiciens laissent leur créativité faire le reste. Notamment Let it Grow dont il est très fier même si la suite d’accords n’est pas sans rappeler celle de Stairway to Heaven de Led Zeppelin. Il compose aussi Get Ready avec l’aide de sa choriste Yvonne Elliman. Le reste du matériel consiste en des reprises de blues qui trottaient dans sa tête depuis de nombreuses années : Willie and the Hand Jive (Johnny Otis), I Can’t Hold Out (Elmore James), Steady Rollin’ Man (Robert Johnson) ou Motherless Children (Blind Willie Johnson) qui ouvre énergiquement l’album. Pourtant les autres pistes ne sont pas dans le même registre. Hormis le premier single paru peu avant la sortie du LP et qui deviendra l’un des plus gros succès commerciaux de Clapton. Une reprise de Bob Marley (encore inconnu au bataillon en dehors de sa Jamaïque) I Shot the Sheriff, que George Terry le poussa à enregistrer malgré ses réticences. En effet, Eric trouvait le morceau reggae beaucoup trop éloigné de son univers musical. Ironiquement, ce fut son seul et unique numéro un de sa carrière au classement Billboard Hot 100. Clapton fait preuve dans ses arrangements d’une maturité et d’une humilité sans précédent. Il délaisse les solos de guitare fiévreux et étirés pour des parties de guitare slide et minimalistes. Fortement influencé par J.J. Cale depuis sa reprise d’After Midnight quatre ans plus tôt, Slowhand fait plus que jamais honneur à son surnom. Même son chant s’inspire du guitariste de l’Oklahoma, grave, plaintif, murmuré. Cette sonorité qui sera cataloguée ‘laid-back’ (fr : décontracté) deviendra la recette de Clapton pour les années à venir. Il serait pourtant plus judicieux de reconnaître dans ce virage musical le ‘Tulsa Sound’ cher à J.J. Cale ou Leon Russell. Le morceau qui clôture l’album, Mainline Florida une composition de George Terry, est le parfait pendant à Motherless Children.

Sorti au mois de juillet 1974, 461, Ocean Boulevard grimpe des deux côtés de l’Atlantique sur le podium des charts. La presse encense la résurrection réussie de Slowhand et se délecte du nouveau changement de direction effectué par un homme qui semble vouloir quitter son costume de guitar-hero. L’adresse qui donne son titre à l’album était celle où Clapton vivait durant les sessions d’enregistrement et se situe à Golden Beach, non loin de Miami. Après la sortie du LP, l’adresse fut changée à cause de nombreux fans se rendant sur place.

 

… But Slowhand is Back :

Le succès plus ou moins inattendu du single I Shot the Sheriff pousse Clapton et sa bande à partir enregistrer le successeur de 461, Ocean Boulevard en Jamaïque. Les morceaux Don’t Blame Me, Rachel et Swing Low, Sweet Chariot (un arrangement traditionnel qui sera le seul 45 tours du disque) sont tous dans le style reggae. Les titres restants sont enregistrés dans la même veine Tulsa que le précédent opus avec deux excellentes reprises blues The Sky is Crying (Elmore James) et Singin’ the Blues (Mary McCreary). Eric signe tout de même la moitié des compositions de l’album, cinq titres en tout (deux de plus que Ocean Boulevard). Mais sa forte consommation naissante d’alcool, accentuée par son sevrage de l’héroïne, rend les conditions de travail compliquées à Kingston. Toute la clique retournera donc en Floride pour finir d’enregistrer There’s One in Every Crowd (Il y en a à tous les coins de rue). Clapton voulait que l’album porte World’s Greatest Guitar Player (Le meilleur guitariste au monde) dans son titre mais le label RSO refusa de peur que l’énoncé soit mal interprété. Malgré que le principal intéressé manifeste une nouvelle fois le désir de tourner la page de son trop lourd statut à assumer.

Eric Clapton, 1975

A sa sortie en mars 1975, le public comme la presse s’attendent à un Ocean Boulevard volume 2. Autant dire que le mélange des styles et l’alchimie foireuse des sessions auront l’effet d’un pétard mouillé. Le LP est descendu par la critique et se ne se vend pas. Encore un coup dur pour Clapton. Le public n’est pas plus rassuré l’été suivant à la sortie d’un album live E.C. Was Here qui ne contient aucun titre des deux derniers vinyles mais seulement des reprises de standard blues. No Reason to Cry, son escapade suivante avec Bob Dylan et The Band aux studios Shangri-La de ces derniers passera tout autant inaperçu. Même si un titre Double Trouble gagnera sa place dans la setlist des concerts pour les années à venir.

Eric Clapton, 1976

Après plusieurs années où il se sera produit aux quatre coins du globe, Clap’ décide de revenir poser ses valises non pas à Kingston ou Miami mais bien à Londres. Pour son prochain effort musical, il s’attache les services du producteur Glyn Johns. Ce dernier a travaillé avec les plus grands noms de l’époque dont les Stones, Led Zeppelin, Eagles ainsi que Who’s Next des Who, Abbey Road des Beatles ou encore Harvest de Neil Young. Clapton pense que son expérience avec des groupes britanniques et américains parviendra à tirer le meilleur de ses musiciens sudistes conjugué à son jeu ‘so british’. Il déclarera d’ailleurs au sujet d’une des compositions du futur album, le génial blues-country Lay Down Sally, que c’était là le plus près qu’il pouvait approcher du son Tulsa en tant qu’anglais. C’est aussi la meilleure copie qu’il pouvait rendre de son maître à penser J.J. Cale, tant dans le jeu de guitare que dans le chant calme et plaintif. Cette musicalité peu anglo-saxonne sera peut-être la raison de son échec dans les charts UK a contrario du Billboard américain où elle fera un carton. Le single (avec Cocaine en face B) se vendra à pas loin de deux millions d’exemplaires. Glyn Johns va tirer le meilleur du talent de Slowhand, ce qui ne fut pas tâche facile, ce dernier ayant sombré depuis plusieurs années dans l’alcoolisme. Souvent ivre mort dès son arrivée aux studios Olympic, le producteur (qui en a déjà vu d’autres compte tenu de son CV) n’en tient pas rigueur malgré son perfectionnisme et sa discipline de fer. Il interdira au groupe de jammer durant les sessions, trouvant les bœufs contre-productifs. Mais il va surtout apporter cette petite touche ‘pop anglaise’ qui faisait défaut sur les derniers albums de Clapton et qui sera le fruit de son succès.

Glyn Johns, producteur sur 'Slowhand'

L’ombre de J.J. Cale est encore omniprésente puisque le morceau qui ouvre Slowhand est une composition de ce dernier, Cocaine (paru l’année précédente sur Troubadour). Le morceau est presque restitué à l’identique de l’original, légèrement plus rythmé. Il fait partie des titres qui portent le disque et sera une pièce incontournable de Clapton en concert… jusqu’à ce qu’il comprenne la portée trop ambigüe de son message (voir Anec-doses plus bas). Le dernier gros poids lourd du LP (et pas des moindres) se trouve en être le deuxième et dernier single paru en novembre 1977. Celui-ci s’écoulera à plus de quatre millions de copies en faisant un des plus gros succès commerciaux de la carrière de Clapton. Wonderful Tonight fut composé en seulement quelques minutes à la guitare sèche, tout du moins le temps qu’il fallut à Pattie Boyd pour finir de se préparer. Le soir du 7 septembre 1976, le couple doit se rendre au gala annuel organisé par Paul McCartney en l’honneur de Buddy Holly. Sa femme étant longue à se préparer, Clapton anticipe ses prochaines questions en lui délivrant une des plus belles preuves d’amour de l’histoire de la musique. La muse en aura inspiré plus d’un, son Beatle d’ex-mari George Harrison lui ayant déjà dédicacé son sublime Something (Abbey Road, 1969). Sans omettre de rappeler que c’est elle la Layla de Derek and the Dominos !

Clapton est donc bel et bien au sommet de son art. Pas en tant que divinité de la six cordes mais bien en tant que compositeur. Pour preuve sur les neuf titres que comporte Slowhand, cinq sont des compos originales. Next Time You See Her est dans la veine laid-back de 461, Ocean Boulevard ou des ballades qui constitueront Backless l’année suivante. Les huits minutes de The Core, co-signé avec la choriste Marcy Levy est le morceau le plus heavy (et le plus long) de l’album. Il laisse place à toute la fantaisie et le talent de chaque membre du Clap’ Band dans une symbiose tellurique et virevoltante. Le dernier titre qu’il signe et qui clôture les 39 minutes des deux faces, l’instrumental Peaches & Diesel, est son apport le plus faible et facilement oubliable. Comme à l’accoutumée il ne manque pas de nous gratifier d’une reprise blues : Mean Old Frisco issu du répertoire d’Arthur Crudup, l’auteur de That’s All Right (Elvis Presley) et My Baby Left Me (Elvis Presley, Creedence Clearwater Revival, John Lennon). Les deux dernières reprises, May You Never par le chanteur folk John Martyn et We’re All the Way du chanteur country Don Williams sont deux petites merveilles arrangées à la sauce Tulsa par Clapton. Des mélodies accrocheuses et rapidement entêtantes.

La pochette de Slowhand fut réalisée par Clapton himself, aidé par Pattie Boyd et Dave Stewart (futur Eurythmics). La photo prise en noir et blanc nous montre le guitariste de trois-quarts et en gros plan, tenant sa fameuse « Blackie » en écho au titre de l’album. Encore une preuve que Eric, dont on ne voit pas le visage, préfère rester en retrait et laisser la vedette à son instrument. Le collage de clichés à l’intérieur du vinyle se veut hétéroclite. On retrouve tout de même de nombreux modèles de l’imposante collection de bolides de l’artiste. Comme cette Ferrari 365 GT4 BB (achetée après avoir vu George Harrison conduire la même) complètement ruinée avec laquelle il faillit se tuer lors d’une tournée en Australie. Mais selon le principal intéressé, la photographie la plus importante reste celle où il embrasse Pattie, la pièce majeure du disque lui étant destinée.

 

Les avis de la presse à l’époque :

« Les albums solos d’Eric Clapton ont tendance à être si impartiaux et laconiques qu’ils semblent souvent interchangeables. Sa souffrance était toujours si évidente que chacun de ses actes semblait figé pour l’éternité. A première vue, Slow Hand ne fait rien pour changer cet état de fait – quelques bonnes pistes disséminées çà et là entre le remplissage habituel- mais cette fois il se passe beaucoup plus de choses en profondeur. Clapton montre des signes de réhabilitation psychique. Ses chansons d'amour sont résolument réalistes. Dans un moment poignant à cœur ouvert sur ‘Next Time You See Her’ il se concentre sur sa sourde colère suite à la perte de l’être aimé. Mais le plus important peut-être et que, pour la première fois depuis son départ de Cream, il semble assumer son image de guitariste de talent, usant de son ancien surnom du temps des Yardbirds pour le titre de l’album et affichant la forme des grands jours.

Les effets pyrotechniques sont cette fois limités un long bœuf de 8 :42 sur ‘The Core’. Le groupe (Dick Sims aux claviers, Jamie Oldaker à la batterie, le bassiste Carl Radle et le guitariste George Terry) bâtit une rythmique boogie-woogie non sans rappeler Derek and the Dominos. Mel Collins souffle le sirocco dans on sax’ alto et Eric décolle sans un solo fulgurant qui ressemble davantage à son classique ‘Crossroads’ qu’à tout ce qu’il a fait depuis. La production de Glyn Johns est remarquable –la relation guitare/batterie est nette et autoritaire, Clapton pris au piège d’une assise frénétique puissante.

A l’exception de la géniale guitare slide d’Eric sur le blues lent de ‘Mean Old Frisco’, le reste de l’album est plus modéré, l’influence du compositeur country Don Williams dominant l’écriture de Clapton. La chanson d’amour dévotionnelle ‘Wonderful Tonight’, le remuant ‘Lay Down Sally’ et la douce vengeance ‘Next Time You See Her’ possèdent la même intensité modeste et la même franchise que ‘We’re All the Way’, la chanson de Williams que Clapton reprend ici. Dans ‘Next Time You See Her’, Clapton chante ‘And if you see her again, I will surely kill you’, un sentiment assez inhabituel de sa part. Mais la menace est encore plus inquiétante qu’elle est énoncée calmement, avec résignation voire même de la pitié pour le type qui en sera victime. Avec un exemple aussi frappant, il est facile de voir que Clapton a appris la leçon à laquelle il aspirait depuis toutes ces années. Il est en parfaite harmonie avec ses propres démons, ce qui est l’essence même de la musique blues. Et ce constat lui donne la force de faire front et d’être réellement lui-même. »

John Swenson, Rolling Stone, 29 décembre 1977

« Le légendaire guitariste semble s’être adouci ici au profit de savoureuses ballades blues. Il y a des moments où Clapton se déchaîne avec des solos de guitare impeccables, mais en général ça reste modéré. Le groupe de Clapton est composé du claviériste Dick Sims, du bassiste Carl Radle, du guitariste George Terry, du batteur Jaime Oldaker et du saxophoniste Mel Collins qui fournissent à la fois un appui musical puissant et cinglant, tandis que les choristes Yvonne Elliman et Marcy Levy accompagnent Clapton harmonieusement. Les ballades sont parmi les plus sensibles de Clapton, tout comme son jeu de guitare. Les meilleures pistes : Wonderful Tonight, Peaches & Diesel, The Core, Lay Down Sally, Cocaine. »

Billboard, Top Album Peak, 11 décembre 1977

 

Anec-doses :

- Le surnom « Slowhand », qui donne ici son titre à l’album, remonte à l’époque où Eric jouait pour les Yardbirds. En 1964 plus précisément et se veut une trouvaille du manager du groupe, Giorgio Gomelsky. Celui même qui fera entrer les jeunes Rolling Stones en résidence au légendaire Crawdaddy Club, puis arrangera une rencontre entre eux et les Beatles le 14 avril 1963. Sa construction grammaticale repose vraisemblablement sur un jeu de mot, comme confessé par Clapton lui-même. Ce dernier avait l’habitude de ne jamais s’affoler sur scène, même quand une de ses cordes cassait. Il prenait alors le temps de la changer en plein set, alors que le public se mettait à taper lentement dans les mains (en : slowclap), ce qui peut être vu comme un signe d’impatience ou bien ici simplement pour continuer à battre la mesure. Gomelsky qui assista à un de ces moments burlesques, prit le contrepied du talent véloce du guitariste en collant les deux mots ‘slow’ et ‘hand’ mais surtout en glissant ‘hand’ entre ‘slowclap’. Slowhand Clapton était né.

Giorgio Gomelsky et le jeune Clapton

- Le titre Cocaine fut banni des ondes en Argentine et même retiré de l’album à sa sortie. La junte militaire au pouvoir vit d’un mauvais œil l’influence qu’un tel morceau pourrait avoir sur la jeunesse. A tort, quand on sait que le but initial de Clapton était de faire passer un message anti-drogue, lui qui avait décroché depuis quelques années. Il appuiera même son discours par des actes quand en 1998 il financera largement la fondation du Crossroads Centre, un centre de désintoxication localisé sur la petite île d’Antigua dans les Caraïbes. Le festival Crossroads Guitar qui s’est déjà tenu à cinq reprises sur ces vingt dernières années sert à lever des fonds pour l’établissement.

- Clapton est devenu malgré lui un véritable ambassadeur des guitares Fender Stratocaster. Au début des années soixante-dix, il délaisse les Gibson Les Paul ou SG qui façonnèrent sa légende avec Cream et The Bluesbreakers. Poussé par ses plus fidèles représentants que sont entre autres Hendrix et Winwood, il acquiert son premier modèle « Brownie » avec sa couleur brune sunburst. C’est elle qu’il utilise sur son premier album solo et le double LP de Derek and the Dominos. De passage au magasin Sho-Bud de Nashville fin 1970, il achète pas moins de six Stratocaster modèle 1950 et en offre trois à ses amis George Harrison, Pete Townsend et Steve Winwood. Il demande alors au luthier de Nashville Ted Newman Jones d’assembler les meilleures parties des trois restantes, ce qui donne « Blackie » pour sa couleur de finition. Il ne la quittera plus jusqu’en 1985 quand après la tournée Behind The Sun, elle commença à rencontrer des soucis avec le manche. En 2004, « Blackie » fut vendue aux enchères chez Christie’s pour la bagatelle de 850.000 dollars, ce qui en fit à l’époque la guitare la plus chère du monde. La recette fut reversée au Crossroads Centre.

Eric Clapton - Just One Night Double Album (avril 1980)

Ce record fut depuis pulvérisé à plusieurs reprises, notamment par la Strat’ blanche qu’Hendrix avait à Woodstock (1,67 millions d’euros) ou la Gibson J-160 de John Lennon (2 millions d’euros) avec laquelle il enregistra les deux premiers albums des Beatles. Mais la première place du podium revient à la Stratocaster baptisée « Reach Out to Asia » qui fut vendue aux enchères en 2005 au profit des victimes du tsunami de 2004 pour… 2,3 millions d’euros. Sa particularité ? Elle était dédicacée par les plus grands noms de la musique : Mick Jagger, Keith Richards, Paul McCartney, Jimmy Page, David Gilmour, Jeff Beck, Brian May, Pete Townsend, Mark Knopfler, Ray Davis, Ron Wood, Liam Gallagher, Tony Iommi, Angus et Malcolm Young, Sting, Ritchie Blackmore, Def Leppard, Bryan Adams et…Eric Clapton.

- Eric a toujours eu une passion pour les voitures de course comme constaté dans la pochette intérieure du disque. Ce qui lui valut souvent quelques arrestations pour excès de vitesse, Slowhand ayant plutôt le pied leste. Son permis fut suspendu pour six mois en 1988 puis en 2000. En France, il fut même banni de conduire à vie en 2004 après avoir été flashé à 215km/h. Le policier qui l’arrêta lui demanda ce qu’il faisait dans la vie pour rouler dans une si belle bagnole. Quand Clapton répondit qu’il était dans l’industrie musicale, le flic rétorqua : « Vous devez bien marcher alors ». Sans déconner ?

Eric et sa Ferrari SP-12 EC (Special Project, Number 12, Eric Clapton), commandée et conçue spécialement pour lui et d'une valeur de 4,7 millions de dollars.

- Malgré les rivalités que la presse a bien voulu leur accorder, Clapton et Hendrix étaient très proches et admiratifs l’un de l’autre. Ce dernier n’a jamais caché être venu en Angleterre en 1966 dans le seul but de rencontrer Slowhand. Le destin nous aura ôté la possibilité d’une collaboration entre les deux génies même s’ils se croisèrent à de nombreuses reprises pour jammer comme cette nuit de juillet 1967 au Gaslight Café de New York. L’anecdote la plus troublante relatée dans la vidéo ci-dessous est que le soir de sa mort, Clapton devait le retrouver au Lyceum Theatre pour assister à un concert de Sly & The Family Stone. Pour l’occasion, il comptait lui offrir une Stratocaster pour gaucher tout juste acquise. Le rendez-vous ne se fera jamais et Hendrix sera retrouvé mort deux jours plus tard dans sa chambre de l’hôtel Samarkand à Notting Hill.

Sources :

www.ericclapton.com

https://www.imdb.com/name/nm0002008/

https://www.allmusic.com/artist/eric-clapton-mn0000187478

Eric Clapton : Slowhand (1998) Hal Leonard

Eric Clapton with Christopher Simon Sykes – The Autobiography (2008) Arrow Books

Clapton par Eric Clapton (2007) Buchet ¤ Chastel

Février 2019.

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