Booker T. and the MG's - Green Onions

Pierre angulaire et fondatrice du légendaire label Stax Records basé à Memphis, le quatuor de studio va assurer le succès de la Soul et du Rythm & Blues durant toute les années soixante par son talent musical hors pair. Formé autour du jeune prodige Booker T. Jones (tout juste dix-sept ans), un pur produit local, Steve Cropper et Lewie Steinberg viennent quant à eux du groupe The Mar-Keys qui fut un des premiers cartons de la compagnie avec Last Night (1961). Le batteur Al Jackson, lui aussi recrue récente de la maison de disques, complète le line-up. The MG’s, comme ils vont se nommer, est un clin d’œil à la marque automobile anglaise. Mais quand la firme de Birmingham menacera d’intenter un procès aux jeunes américains, ils se raviseront vite en prétextant que les initiales signifient « Memphis Group ». Destiné à être un groupe accompagnateur dans l’ombre des grands noms du catalogue Stax, Booker T. and The MG’s va pourtant connaître une trajectoire peu commune. Jusqu’au départ de Jones du groupe en 1971, les zicos de chez Stax traverseront les sixties en travaillant avec les plus grands noms : Otis Redding, Isaac Hayes, Wilson Pickett, Sam & Dave, Albert King…

Et tout commence lors d’une session d’enregistrement pour le chanteur de rockabilly Billy Lee Riley. Ce dernier, issu du voisin Sun Records (célèbre pour avoir signé Elvis Presley), avait connu son heure de gloire avec Flyin’ Saucers Rock & Roll (1957) et Red Hot (1957). Mais l’émergence du talentueux Jerry Lee Lewis poussera le producteur Sam Phillips à délaisser la carrière de Riley pour se consacrer à son nouveau et fougueux poulain. C’est pourquoi le pauvre bougre, délaissé par les studios Sun, part chercher réconfort auprès d’un autre producteur Jim Stewart. Il lui refourgue alors son tout nouveau groupe pour graver quelques pistes. Lors d’une rapide pause déjeuner où les deux s’absentent, Booker T. et ses MG’s se lancent dans un bœuf pour ne pas refroidir. Il en ressort deux instrumentaux (sans chanteur, pas de chant), Behave Yoursel et un blues à douze mesures au groove entêtant. Sur une rythmique basse/batterie limpide et cristalline, l’orgue Hammond M3 de Jones aux accents d’office religieux est uniquement perturbé par les riffs secs de Cropper et sa Telecaster. Simple et efficace. Quand Stewart est de retour en cabine, il en renverse son café. Beaucoup plus enthousiaste que les musiciens, il décide de sortir cette jam en single avec Behave Yoursel en face A. Quand il leur demande quel est son nom, Booker T. répond Green Onions car c’est l’idée la plus sale qui lui traverse l’esprit mais aussi car, pour lui, sa chanson est bonne à jeter comme des épluchures de légumes. Aucune allusion au cannabis comme certains pensèrent des années. Le 45 tours est donc gravé avec Green Onions en face B. Mais quand le guitariste Steve Cropper apporte le single à son ami Rueben Washington, DJ sur la radio locale WLOK, c’est bien la face B qui fait fureur. L’animateur diffuse l’instrumental quatre fois d’affilée et la ligne téléphonique de la station est vite saturée. Le titre sera d’ailleurs fortement apprécié par les radios du monde entier, son absence de parole et sa structure répétitive permettant de rester à l’antenne et continuer à parler. Cela poussera Stax à revoir ses plans et inverser le sens de pressage. Green Onions sera en face A. L’impact que cette petite plage de deux minutes aura sur les groupes britanniques alors en pleine floraison est difficile à imaginer, surtout qu’elle sera boudée par les charts anglais à sa sortie. Le riff deviendra hymne emblématique de la culture Mod, au point de se retrouver dans l’adaptation cinématographique du concept –album Quadrophenia de The Who en 1979. Mais bien avant ça, il influencera durablement Eric Burdon sur l’usage de l’orgue électrique dans son groupe The Animals. The Rolling Stones puiseront aussi allégrement l’inspiration dans toutes les productions Stax dont Booker T. & the MG’s. Un titre comme Stoned, face B de leur début I Wanna Be Your Man (1963), ne fait aucun doute sur ses origines. L’organiste Al Kooper, qui sera considéré avec John Mayall comme les parrains du British Blues, se revendiquera toute sa carrière de la Soul de Memphis. Quant à McCartney et Lennon, ils ne se cacheront jamais de l’admiration qu’ils éprouvaient pour le quatuor Stax, rêvant secrètement de leur composer un jour un morceau. Leur souhait se verra à moitié réalisé quand Booker T. et sa clique réinterprèteront intégralement Abbey Road (seulement six mois après sa sortie) à la sauce instrumentale sur McLemore Avenue (1970), l’adresse des studios Stax, parodiant même la pochette (ci-dessous).

Le single se classe numéro un dans les classements R&B du Billboard américain. Il finit sur la troisième marche du podium Hot 100 tout comme les charts du magazine Cash Box. En Angleterre, Green Onions pointe à la 7ème position.

L’instrumental Stax fut repris par The Ventures, Count Basie, The Blues Brothers, Lightnin’ Hopkins, Henry Mancini, Tom Petty, Georgie Fame ou encore Mike Bloomfield.

Paroles :

(Instrumental)

 

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