Rock is Dead (Part 2)

Keith Moon (23 août 1946 – 7 septembre 1978) :

Le batteur des Who rejoint le groupe en avril 1964, à tout juste dix-sept ans, en remplacement de Doug Sandom. Pete Townshend se souvient que Keith est venu les voir après un concert arguant qu’il était meilleur batteur. Après avoir joué si fort qu’il en démolit son instrument, il fut enrôlé sur le champ, son attitude étant en adéquation avec la philosophie du groupe. Ses extravagances scéniques lui valent d’être surnommé ‘Moon the Loon’ (le cinglé). Un jour, il remplit sa batterie d’eau avant d’y plonger des poissons rouges, répondant aux curieux que c’est ‘au cas où il ait faim’. Une autre fois, il la fait exploser avec des feux d’artifices à la fin de My Generation ce qui, selon la légende, aurait causé la surdité d’une oreille chez Townshend. Mais toutes ces excentricités n’entachent pas le jeu de Keith. Son style dynamique constitué de roulements de tom perpétuels donnait l’impression qu’il était constamment en solo. L’énergie qu’il déployait était telle que sa batterie devait être fixée au sol. Il reste encore considéré de nos jours comme l’un des meilleurs batteurs de l’histoire du rock, en témoignent des pièces comme Happy Jack ou A Quick One While He’s Away ou leur concert endiablé de Live At Leeds.

Dans le sillage des succès que constituent le double album-concept Tommy en 1969 et surtout le chef d’œuvre Who’s Next deux ans plus tard, The Who passe le plus clair de leur temps sur les routes. En tournée, Moon ne déroge pas à son mode de vie. Dans chaque hôtel où il passe, les factures des dégâts se chiffrent à la hauteur de sa réputation. Keith avait l’habitude de saccager ses chambres, jetant téléviseurs par les fenêtres, allumant des feux et faisant sauter les toilettes avec des pétards puis plus tard à la dynamite. Ils furent même bannis à vie des Holiday Inn américains après avoir ravagé celui de Flint (Michigan) le jour de son vingt et unième anniversaire pour une note de cinquante mille dollars. Bilan : une dent cassée pour Keith et une Rolls Royce dans la piscine de l’hôtel.

Au cours de l’année 1978, il déménage au 9 Curzon Place dans le Mayfair, dans le même appartement qu’avait occupé Cass Elliot des Mamas & Papas et où cette dernière avait trouvé la mort. Le bailleur, le chanteur Harry Nilsson, se disait plutôt inquiet que Keith emménage ici-même, mais Pete Townshend le rassura en clamant que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit. Moon, qui avait une peur bleue d’être interné en cure de désintoxication pour son alcoolisme devenu ravageur, commença un traitement de sédatifs prescrit par le Dr. Dymond. Le soir du 6 septembre, lui et sa copine Annette Walter-Lax, se rendirent à la première du film ‘The Buddy Holly Story’ aux côtés de Paul et Linda McCartney. De retour à leur appartement, Moon avala trente-deux pilules de clomethiazole quand son médecin lui avait averti de ne pas dépasser trois doses quotidiennes. Annette le retrouva mort dans son lit le lendemain matin. Le fils de Ringo Starr, Zak Starkey, dont il était le parrain, le remplacera à la batterie à partir de 1994.

En 2012 le comité olympique londonien envoya un drôle de mail au manager des Who, Bill Curbishley, leur demandant si Keith Moon pouvait se rendre à la cérémonie d’ouverture. Celui-ci répondit avec un flegme tout britannique : « Keith repose désormais au Crématorium de Golders Green selon la doctrine des Who ‘J’espère être mort avant d’être vieux’. Si vous avez une table ronde, des verres en cristal et des chandeliers, nous pourrions peut-être le contacter. »

Sid Vicious (10 mai 1957 – 2 février 1979) :

L’enfant terrible du punk naquit dans l’East End londonien avant de partir vivre avec sa mère à Ibiza où son père ne les rejoint jamais. De retour à Londres passé huit ans, John Simon Ritchie grandit en fréquentant les gangs de la capitale, se forgeant une violente réputation. En 1971, il rencontre Chrissie Hynde avant qu’elle ne forme les Pretenders et ensuite John Lydon qui fréquente le même collège technique. Ce dernier va lui trouver son surnom par hasard, après que Ritchie ait été mordu par son hamster Sid qu’il qualifie de ‘petite bestiole vicieuse’, inspiré aussi par le morceau Vicious de Lou Reed. Car la tendance est au glam rock de Bowie et T-Rex dont Ritchie a adopté les tenues vestimentaires excentriques. Sid traîne avec le Bromley Contingent, groupe de marginaux violents qui suit les Sex Pistols à chacun de leur concert et qui ne sont clairement pas des anges. Un soir au 100 Club de Londres, il passe à tabac le journaliste Nick Kent à coups de chaîne de vélo. Les deux John squattent le même taudis et c’est à cette même période que Lydon prend Johnny Rotten (pourri) comme pseudonyme en raison de l’état de ses dents. Vicious, qui joue dans un groupe nommé The Flowers of Romance, se voit proposer la place de bassiste au sein des Sex Pistols après le départ de Glen Matclock en février 1977. Leur manager Malcolm McLaren dira de lui : ‘Si Johnny Rotten est la voix du punk, Vicious en est l’attitude.’ Sid est provocateur, injurieux, irrespectueux et se promène dans Londres avec un tee-shirt à croix gammée.

Leur seul et unique album studio Nevermind The Bollocks, Here’s The Sex Pistols comprenant leurs titres phares Anarchy in the U.K. et God Save The Queen sort en octobre 1977 mais sans Vicious à la basse, ce dernier étant hospitalisé durant toutes les sessions pour ses consommations excessives de drogues. C’est d’ailleurs en convalescence qu’il fait la rencontre de Nancy Spungen, une groupie américaine qui l’initie très vite à l’héroïne. Après une tournée catastrophique aux Etats-Unis qui ne durera que deux semaines, le groupe se sépare après de vives tensions en son sein et le comportement trop destructeur de Vicious. Ce dernier se bat régulièrement avec son propre public et monte même un soir sur scène après s’être taillé au rasoir ‘Gimme a fix’ sur le torse.

Le matin du 12 octobre 1978, Sid émerge d’un fix pour retrouver le cadavre de Nancy dans leur chambre de l’Hotel Chelsea à Manhattan. La fille a été poignardée une seul fois au niveau de l’abdomen et semble avoir saigné à mort. Vicious est arrêté et inculpé de meurtre mais ne confessera jamais réellement, s’embrouillant et revenant sur ses aveux à plusieurs reprises. Dix jours plus tard, il est relâché sous caution. Il tenta ensuite de se suicider en s’ouvrant les veines avec une ampoulé brisée et fut transporté à l’hôpital Bellevue où il voulut se défenestrer, hurlant vouloir rejoindre Nancy. Il repasse par la case prison le 9 décembre 1978 après une violente altercation avec Todd Smith (le frère de Patti) au Skafish Club de New York. Sid passe cinquante-cinq jours à Rikers Island où il subit une désintoxication douloureuse et forcée. C’est Mick Jagger, sous couvert d’anonymat, qui paiera les cinquante mille dollars de caution.

Le soir de sa remise en liberté, le 1er février, une petite fête est organisée à l’appartement d’une connaissance au 63 Bank Street. Vicious, qui était clean et sobre depuis un mois et demi, se voit proposer de l’héroïne par son ami photographe Peter Kodick. Il fait alors une overdose aux environs de minuit et malgré l’aide de toutes les personnes présentes, meurt dans la nuit à l’âge de vingt-et-un ans. No future.

Bon Scott (9 juillet 1946 – 19 février 1980) :

Ronald Belford Scott voit le jour à Kirriemuir en Ecosse mais c’est en Australie qu’il grandit dès l’âge de huit ans. Il quitte un collège d’arts à quinze ans pour entamer divers petits boulots comme facteur, serveur ou livreur. En 1966, il rejoint The Spektors en tant que batteur et chanteur intermittent. Après avoir fusionné avec un groupe local pour donner naissance à The Valentines qui connaîtra un certain succès en Australie, Scott déménage à Adélaïde et rejoint Fraternity, une formation de rock progressif. Le groupe tourne avec Status Quo et part même en tournée en Grande-Bretagne. A leur retour en Australie, Fraternity se met en pause à durée indéterminée et Bon Scott commence à chanter dans un autre groupe Mount Lofty Rangers. 

Le 3 mai 1974 après une discussion houleuse avec les autres membres, Scott complètement ivre se plante avec sa Suzuki GT550. Il reste dix-huit jours à l’hôpital dont trois dans le coma. C’est Vince Lovegrove qui le met en relation avec une formation de Sydney tenue par les frères Young et qui recherche un chanteur. Scott est d’abord réticent, les trouvant trop jeunes et eux le trouvant au contraire trop âgé. Mais après une nuit passée à jouer ensemble, les deux parties tombent d’accord et Bon Scott rejoint définitivement ACDC. Que Malcolm et Angus Young furent écossais eux-aussi a peut-être pesé dans la balance. Le groupe sort deux LP l’année suivante High Voltage et T.N.T. mais c’est avec Dirty Deeds Done Dirt Cheap en 1976 que le groupe explose en Australie. Les années suivantes finissent d’établir ACDC comme fervent représentant de la scène hard rock avec Let There Be Rock et Powerage. Mais c’est la sortie de Highway to Hell en 1979, un an avant sa mort et dernier album de Bon, qui va faire de ACDC une entité mondialement connue.

Le 19 février 1980, Bon Scott décède après une nuit de beuverie dans le club londonien ‘Music Machine’. Raccompagné par Alistair Kinnear à son domicile, ce dernier ne parvient pas à le réveiller et décide de le laisser dormir dans sa Renault 5. Le lendemain matin, il appelle les urgences après l’avoir retrouvé  sans vie et déjà froid. L’autopsie confortera l’hypothèse d’un coma éthylique ayant entraîné un arrêt cardiaque et aidé vraisemblablement par une hypothermie.

John Lennon (9 octobre 1940 – 8 décembre 1980) :

Le Beatle aux lunettes rondes est l’une des personnalités les plus célèbres et influentes de la deuxième partie du vingtième siècle. Porté par le groupe qu’il a fondé et hissé au firmament de la musique populaire, John Lennon reste aujourd’hui encore un véritable symbole des sixties et seventies. Après la séparation des Fab Four actée au printemps 1970 et la sortie de Let It Be, Lennon est enfin libre de mener sa vie comme il le souhaite avec Yoko Ono à ses côtés. Il sort tout d’abord le simple Instant Karma, très vite suivi par son premier album solo Plastic Ono Band (qui contient les titres Mother, Working Class Hero ou God) sous l’impulsion de la thérapie du cri primal qu’il suit auprès du Docteur Janov afin de sevrer son addiction à l’héroïne. Mais c’est l’album et la chanson-titre Imagine sortie en 1971 qui va devenir son plus gros succès et l’hymne pacifiste de toute une époque et de la contre-culture des seventies. Le LP contient le célèbre pamphlet How Do You Sleep destiné à son ex-compère McCartney mais aussi Gimme Some Truth qui s’attaque directement à Richard Nixon.

C’est d’ailleurs dans cet esprit activiste que John et Yoko ont adopté depuis leur union que le couple décide de déménager à New-York en août 1971. C’est à Greenwich Village qu’ils trouvent refuge, bastion bohème et contestataire de la jeunesse new-yorkaise. John s’investit pleinement durant ces années dans sa lutte contre les discriminations de toutes sortes (Michael X, John Sinclair, Angela Davis, Chicago Seven…) et pour la paix (War is Over). Son soutien à la lutte des classes (Working Class Hero, Power To The People) l’amène à côtoyer les milieux trotskystes, sympathisant avec le Parti Révolutionnaire des Travailleurs anglais. Il n’en oublie d’ailleurs pas son pays d’origine et renvoie même sa MBE pour protester contre l’engagement de la Grande-Bretagne dans le conflit Nigeria-Biafra et s’indigne du Bloody Sunday de 1972. Lennon accouchera alors de son album le plus politiquement engagé, Some Time in New York City abordant les thèmes du féminisme (Woman is the Nigger of the World, Sisters O’ Sisters), les droits civiques (Angela, Attica State), l’humanisme (Born in a Prison, We’re All Water) et bien sûr le massacre de Derry par l’armée britannique (The Luck of the Irish, Sunday Bloody Sunday).

Ses critiques acerbes envers le gouvernement américain et ses prises de position contre la guerre du Vietnam l’amènent assez logiquement à être surveillé par le F.B.I. Nixon craignant que le soutien apporté par Lennon au candidat démocrate McGovern ne lui coûte sa réélection tente de le faire expulser des Etats-Unis. Le 16 mars 1972, il reçoit son ordre d’expulsion du territoire ce qui amène de nombreuses célébrités à se mobiliser et signer une pétition de soutien dont Bob Dylan, Fred Astaire et même le maire de New-York John Lindsay. Il parvient à rester grâce au travail de son avocat Leon Wildes mais l’année suivante les services de l’immigration l’ordonne à nouveau de quitter les Etats-Unis sous soixante jours. Entre temps, le couple a quitté Greenwich Village pour s’installer au Dakota Building sur la 72ème rue qui sera la dernière résidence de John. Le scandale du Watergate qui éclate en juin 1973 étouffe l’affaire et les successeurs de Nixon (Ford et Carter) ne semblent pas intéressés à batailler contre Lennon qui reçoit finalement sa carte verte en 1976.

A l’été 1973, Yoko et John se séparent et ce dernier part vivre ce qui l’appellera son ‘Lost weekend’ à Los Angeles avec May Pang sa jeune assistante. Un weekend qui durera un an et demi et pendant lequel John enregistrera deux nouveaux albums avec Phil Spector, Mind Games et un disque de reprise Rock ‘n’ Roll. Lennon sombre de plus en plus dans l’alcool et les nuits de débauche californiennes aux côtés de Harry Nilsson, David Bowie ou encore Elton John. Il enregistre avec les deux derniers Fame et Whatever Gets You Thru The Night et se produit même avec Elton John au Madison Square Garden le 28 novembre 1974 ce qui reste sa dernière apparition scénique. Car au début de l’année 1975, Yoko accepte son retour sous certaines conditions et le Beatle entame une retraite complète durant cinq années. La presse et les collègues de sa profession s’interrogent sur ce qui a pu arriver à John mais ce dernier s’occupe de Sean son second fils qui vient de naître et des affaires domestiques. Il continue à écrire et dessiner beaucoup, et compose encore quelques morceaux même s’il n’enregistre plus. John ressort du silence en 1980 avec le single (Just Like) Starting Over en octobre puis Double Fantasy enregistré l’été dernier après un voyage aux Bermudes et qui sort le 17 novembre.

Le soir du 8 décembre 1980 vers 22h50, alors que lui et Yoko rentrent des studios Record Plant où ils travaillent sur Milk & Honey, le couple s’apprête à rentrer dans le Dakota Building après que leur limousine les ait déposés. Ils croisent un fan à qui John a dédicacé son dernier LP quelques heures plus tôt et lui fait un signe de la tête tout en souriant. Mark David Chapman sort alors son 38 special et tire cinq coups de feu dont quatre balles atteignent John dans le dos et l’épaule. Il titube jusque dans le hall du concierge Jay Hasting s’exclamant ‘I’m shot, I’m shot’. Ce dernier croit d’abord à une énième facétie du chanteur avant de voir son tee-shirt maculé de sang et de le couvrir de sa veste avant d’appeler les secours. Chapman pendant ce temps est désarmé sans mal par le portier Jose Perdomo avant de s’asseoir au sol, lisant calmement son livre ‘L’attrape-cœur’ (The Catcher in the Rye) en attendant la police. Une première patrouille arrive rapidement sur les lieux du drame et s’occupe de passer les menottes à Chapman et l’installer à l’arrière de leur véhicule. La deuxième équipe, constituée des officiers Bill Gamble et James Moran, arrive quelques minutes après et décide de ne pas attendre l’arrivée des secours portant Lennon dans leur voiture de fonction. Moran demande ‘Are you John Lennon ?’ ce à quoi l’intéressé tente vainement de répondre avant de perdre connaissance. Ils filent vers l’hôpital Roosevelt situé à quelques centaines de mètres seulement mais Lennon est déjà mort à son arrivée vers 23h15. Le Docteur Stephan Lynn et son équipe tente de le réanimer mais une balle a touché l’aorte, une autre un poumon et le corps a perdu beaucoup trop de sang. Ironie du sort, les radios dans le hall de l’hôpital crépitent All My Loving des Beatles au même moment.

L’annonce de sa mort se répand très vite la nuit même via la radio et la télévision et des centaines de personnes se rassemblent devant le Dakota Building. John Lennon, quarante ans, est incinéré sans funérailles et ses cendres sont répandues à Central Park. Sur demande de Yoko Ono, le dimanche qui suit plusieurs millions de personnes se rassemblent à travers le monde pour dix minutes de silence dont 30.000 personnes à Liverpool et environ 230.000 personnes à Central Park. Mark David Chapman, quant à lui, est condamné à la prison à perpétuité le 24 août 1981 après avoir plaidé coupable. Chacune de ses neuf demandes de remise en liberté furent refusées, notamment via la pression de Yoko Ono qui est devenue depuis la tragédie, la gardienne de l’héritage culturel de l’ex-Beatle.

Mike Bloomfield (28 juillet 1944 – 15 février 1981) :

Issu d’une riche famille juive de Chicago, dont le père avait fait fortune dans l’industrie des ustensiles alimentaires, le petit Mike se passionne très jeune pour le rythm & blues ainsi que le rockabilly. Il monte un groupe The Hurricanes (clin d’œil à Johnny & The Hurricanes) au lycée de New Trier qui le virera après une performance sur le campus jugée trop rock en 1959 et commence à écumer les pubs et bars blues du sud de Chicago. Dans ses longues nuits de jam, il rencontre Muddy Waters, Howlin’ Wolf ou B.B. King qui s’étonnent de voir un gamin blanc jouer et ressentir le blues avec autant de justesse. Ce dernier se défendra que si le peuple noir a souffert ouvertement dans ce pays, le peuple juif dont il fait partie a souffert intérieurement durant des années. Bloomfield adopte très rapidement une Fender Telecaster comme instrument de prédilection (puis plus tard une Gibson Les Paul) et son jeu est inspiré par les guitaristes afro-américains comme Chuck Berry, Little Richard ou les trois King (Albert, Freddie et B.B.).

Au début des années soixante, il fait la connaissance de l’harmoniciste Paul Butterfield et du guitariste Elvin Bishop avec qui il monte le Paul Butterfield Blues Band. Sous la direction de Paul Rothchild (qui n’a pas encore signé les Doors), le groupe sort son premier album éponyme en 1965 qui reçoit un accueil chaleureux et dont les ventes sont honorables. Il est généralement considéré comme l’un des premiers albums de blues chanté par un blanc, quelques mois avant la déferlante British Blues. Les morceaux Born in Chicago, Shake Your Money Maker ou Blues with a Feeling, des classiques du répertoire Chicago Blues sont menés avec virtuosité (et électricité) par la Telecaster de Bloomfield. Le groupe rencontre la même année Bob Dylan et participe à l’élaboration de son Highway 61 Revisited, apparaissant sur presque toutes les pistes dont le célèbre Like A Rolling Stone. C’est d’ailleurs le Paul Butterfield Blues Band qui accompagne Dylan sur scène au Newport Folk Festival, devenu culte pour être son premier concert ‘électrifié’. Après un deuxième LP East-West sorti l’année suivante, Mike Bloomfield fatigué des tournées incessantes, décide de quitter le groupe. Il se retire à San Francisco où il monte la formation éphémère The Electric Flag aux côtés de Buddy Miles et Nick Gravenites (Big Brother & the Holding Company) entre autres. Après un album et une apparition au festival pop de Monterey, Bloomfield part jammer avec Al Kooper et Stephen Stills sur ce qui deviendra Super Session (sorti en 1968) le plus gros succès de sa carrière.

Il termine les sixties en collaborant avec Janis Joplin sur son I Got Dem Ol’ Kozmic Blues, Again Mama !, le Fathers & Sons de Muddy Waters avec Otis Spann et un album d’Otis Rush. Mais toutes les années soixante-dix sont pour lui une longue traversée du désert. Enfoncé jusqu’au cou dans l’héroïne, il lâche complètement la musique et se désintéresse de la guitare, lui qui la maniait si bien. Son heure de gloire est déjà révolue et il ne connaîtra plus le succès qui avait été le sien à ses débuts, jouant sporadiquement dans quelques clubs miteux de la côte ouest. Et le 15 février 1981, Mike Bloomfield est retrouvé mort derrière le volant de sa Mercedes aux quatre portes fermées. Ayant assisté à une soirée bien arrosée dans la baie de San Francisco, il est vraisemblablement déplacé par deux invités du lieu de la fête après qu’il est fait une overdose. Son dernier album solo, Crusin’ for a Brusin’ sort le jour même de son décès.

Randy Rhoads (6 décembre 1956 – 19 mars 1982) :

Rhoads grandit à Santa Monica dans une famille de musiciens (ses deux parents sont professeurs) et s’intéresse donc logiquement très vite à la musique. Sa mère lui donne des cours particuliers de piano et il commence à apprendre la guitare folk et classique à l’âge de sept ans. Il rencontre Kelly Garni au collège et deviennent très bons amis, Randy lui apprenant même à jouer de la basse. C’est après avoir vu Alice Cooper au Long Beach Auditorium en 1971 que le déclic opère et qu’il se rend compte de ce qu’il veut faire. Avec son ami d’enfance, il monte Quiet Riot avec Kevin DuBrow au chant et Drew Forsyth derrière les fûts. Le groupe jouit d’une forte popularité dans le circuit de Los Angeles mais ses deux albums (Quiet Riot et Quiet Riot II) se font démolir par la presse musicale et ne sortent qu’au Japon.

A l’été 1979 Ozzy Osbourne, fraîchement séparé de Black Sabbath, est à la recherche de musiciens pour former un nouveau groupe. Mis en relation avec Rhoads qui s’enlise dans la médiocrité de Quiet Riot, The Madman est impressionné par les prouesses du gamin lorsqu’il vient faire une démonstration de son talent une nuit dans sa chambre d’hôtel. Il est immédiatement recruté malgré la réticence des autres membres de Ozzy qui escomptaient une formation purement britannique. Mais lorsque Randy débarque à Londres à la fin de l’année 1979 pour s’installer chez les Osbourne, son jeu de guitare met rapidement tout le monde d’accord. Le nouveau line-up rentre très vite en studio pour pondre The Blizzard of Ozz en septembre 1980 porté par le hit Crazy Train. Une tournée britannique s’en suit et les ventes du premier album ayant explosé aux Etats-Unis, le groupe planifie une tournée sur le sol américain avant la sortie de leur deuxième opus Diary of a Madman en novembre 1981.

Le 18 mars 1982, Randy Rhoads joue ce qui sera son dernier show à Knoxville. Le lendemain le tour bus qui doit emmener toute l’équipe à Orlando s’arrête à Leesburg en Floride au petit matin pour régler un problème d’air climatisé. Sur la propriété se trouve un petit aéroport où sont stationnés quelques hélicoptères et avions de petite taille. Une bonne partie des musiciens étant encore endormis, le chauffeur de bus Andrew Aycock qui détient aussi un diplôme de pilote décide de prendre possession illégalement d’un modèle Beechcraft. Il fait un premier vol avec le claviériste Don Airey et le tour manager Jake Duncan. Pour sa seconde session, Aycock emmène à son bord la maquilleuse Rachel Youngblood et Randy Rhoads. Le pilote s’amuse à faire passer le petit engin au ras du bus à plusieurs reprises pour épater la galerie mais lors de sa troisième tentative il échoue. L’aile vient s’enfoncer dans le véhicule le coupant presque en deux. L’avion hors de contrôle part en vrille et vient s’écraser dans un garage voisin, explosant immédiatement. Ozzy Osbourne, sa femme et les autres membres du groupe réveillés en panique sortent du bus pour constater les dégâts, pensant d’abord à un accident de la circulation. Les trois passagers du vol incluant Rhoads sont tous tués sur le coup et l’avion ayant pris feu les corps sont calcinés et impossibles à identifier par la suite. L’enquête ultérieure révèlera que la licence médicale de Aycock avait expiré depuis plusieurs années et que ce dernier était positif à la cocaïne. Randy Rhoads avait seulement vingt-cinq ans.

Marvin Gaye (2 avril 1939 – 1er avril 1984) :

Marvin Pentz Gay Junior de son vrai nom, voit le jour à Washington d’un père pasteur et d’une mère domestique. Dès l’âge de quatre ans, son père l’emmène chanter le gospel à l’église, l’accompagnant souvent au piano. Sous la coupe de son paternel violent qui le rosse régulièrement, il trouve dans la musique un refuge salvateur. Durant son adolescence, il intègre plusieurs groupes de doo-wop tout en enregistrant déjà quelques morceaux en solo qui ne rencontrent pas le succès. Son père devenant de plus en plus brutal, Marvin s’engage un temps dans l’US Air Force pour quitter le foyer familial mais déçu des tâches peu gratifiantes qu’on lui donne, il feint le déséquilibre mental pour être rapidement réformé.

A son retour de l’armée, il fonde avec son ami Reese Palmer le quarter vocal The Marquees, travaillant avec Bo Diddley. Le groupe déménage à Chicago où ils deviennent musiciens de studio pour Chuck Berry et jouent notamment sur Back in the USA et Almost Grown. The Marquees se séparent en 1960 et Marvin part pour Detroit où il fait la connaissance de Berry Gordy, son futur beau-père, qui le signe sur son label Motown et sa sous-branche Tamla. C’est à la même période qu’il décide de rajouter un ‘e’ à son nom de famille, fatigué des blagues douteuses incessantes sur une éventuelle homosexualité et en hommage à Sam Cooke qui avait fait de même. Il débute comme simple batteur pour les groupes R&B du label comme The Marvelettes, The Miracles ou Jimmy Reed. Mais le succès ne se fait pas attendre et dès 1962 sa première composition Stubborn Kind of Fellow fait une apparition remarquée dans les charts. Marvin Gaye devient alors un artiste à part entière du catalogue Tamla et chaque morceau devient un hit : Hitch Hike, Pride & Joy, Can I Get a Witness. En 1964, il commence une collaboration avec Mary Wells dont sont issus Together ou What’s the Matter with You Baby. L’année suivante, il retourne auprès des Miracles pour sortir I’ll Be Doggone et Ain’t That Peculiar qui se vendront tous deux à des millions d’exemplaires.

Mais c’est dans les duos que Gaye excelle et après un autre succès It Takes Two auprès de Kim Weston, c’est aux côtés de Tammi Terrell qu’il trouve définitivement son alter-ego. Durant cinq années, les deux artistes vont populariser mondialement le son Motown et constituer à eux seuls les plus grosses ventes du label avec Ain’t No Mountain High Enough, Your Precious Love, Ain’t Nothing Like the Real Thing ou You’re All I Need to Get by. Mais en octobre 1967, Terrell s’effondre dans les bras de son tandem lors d’un concert à Farmville en Virginie et les docteurs lui diagnostiquent une tumeur cérébrale. Ses apparitions en studio se font donc plus rares et laisse Marvin profondément marqué et dévasté. En 1968, il signe tout de même son premier numéro un dans les charts avec sa reprise de Barret Strong I Heard it Through the Grapevine (repris ensuite par Creedence Clearwater Revival) qui se vendra à quatre millions de copies. Tammi Terrel décède finalement le 16 mars 1970 plongeant Marvin Gaye dans une profonde dépression et le poussant même à une tentative de suicide. Il arrête alors les tournées et songe même à quitter le monde de la musique pour s’engager avec les Lions de Detroit, un club de football américain.

Mais contacté par Obie Benson des Four Tops, il retourne en studio pour travailler sur ce qui va devenir son plus fameux morceau What’s Going On. Il y fait une analyse très pessimiste de son époque et exorcise ses vieux démons dans un effort cathartique. Il s’heurte en premier lieu au véto de Berry Gordon qui trouve le morceau trop politiquement engagé et ne désire pas l’éditer mais Gaye menace de ne plus rien produire. La chanson sort le 20 janvier 1971 et devient le premier morceau Tamla Motown à décrocher la première place des charts en moins d’un mois, se vendant à deux cent mille copies en une semaine pour atteindre les deux millions et demi de ventes au total. Fort de ce carton inattendu, le patron de Tamla lance un ultimatum à Gaye pour l’enregistrement d’un album entier. En résulte le concept-album What’s Going On qui traite de la guerre du Vietnam au travers des yeux d’un vétéran rentré au pays et confronté à la pauvreté, la drogue, la haine et l’injustice. Le disque est un triomphe et Marvin sort du format stéréotypé des artistes Motown pour rentrer dans la cour des grands interprètes soul. En 1973, il réitère avec Let’s Get It On qui jouit du même sort que son prédécesseur, restant deux années dans les charts et se vendant à plus de trois millions d’unités. Il divorce ensuite en 1978 de sa première femme Anna Gordy, qui lui inspire le titre Here, My Dear et traverse une nouvelle période difficile de sa vie, confronté à l’IRS (les impôts américains) lui réclamant quatre millions de dollars et une forte dépendance à la cocaïne. Après un conflit avec Tamla qui a publié sans son accord un enregistrement volé, Gaye s’envole pour la Belgique afin de fuir ses problèmes fiscaux et décrocher des drogues.

Son dernier album Midnight Love paru en 1982 voit le chanteur glaner ses deux premiers Grammy Awards avec le titre emblématique Sexual Healing qui se classe rapidement numéro un aux Etats-Unis comme dans divers pays. Mais dès l’année suivante, il replonge dans la cocaïne pour couper avec le stress quotidien de ses tournées incessantes. Son usage excessif l’entraîne dans une paranoïa délirante qui le pousse à porter constamment un gilet pare-balles. A l’été 1983, Marvin retourne au domicile de ses parents pour veiller sa mère alitée après une opération rénale. Il prend bien soin d’éviter le plus possible de croiser son père avec qui il entretient toujours des relations difficiles, ce qui ne l’empêche pas de lui offrir un Smith & Wesson .38 special à Noël. La santé mentale de Marvin devient de plus en plus fragile, ce dernier portant désormais trois gilets pare-balles et chaussant régulièrement ses souliers à l’envers. Ses tendances suicidaires sont aussi préoccupantes pour ses sœurs et sa mère, s’éjectant un jour d’une voiture de course lancée à pleine vitesse, heureusement sans graves conséquences.

Le 1er avril 1984, une violente dispute éclate entre les parents Gaye au sujet de documents d’assurance égarés, obligeant Marvin à intervenir. Il passe alors son paternel à tabac, comme lui-même en avait souffert durant son enfance. Aux alentours de 12h30, Marvin Senior remonte dans la chambre de son fils armé du S&W offert par ce dernier et ouvre le feu en plein cœur. Il tire une seconde fois à bout portant sur son fils gisant au sol. Alberta sort de la maison en hurlant, ameutant alors le voisinage et le reste de la fratrie. La police arrivée sur les lieux vingt minutes plus tard embarque Marvin Sr. qui n’opposa aucune résistance. Il sera condamné à seulement cinq ans de probation après avoir plaidé coupable et ne dormira que quelques jours en prison, très vite remis en liberté sous caution. Marvin Gaye quant à lui succomba avant l’arrivée des secours, la veille de son quarante-cinquième anniversaire.

Ricky Nelson (8 mai 1940 – 31 décembre 1985) :

Eric Hilliard Nelson voit le jour au sein d’une grande famille d’acteurs et musiciens hollywoodiens. Ses parents apparaissent en effet dans plusieurs films aux côtés entre autres de Fred Astair, Ginger Rogers ou Chester Morris durant les années trente et quarante. Le mari tient aussi le chant dans le Ozzie Nelson Band qui passe par divers labels dont Bluebird et décroche même un hit en 1934 avec Over Somebody Else’s Shoulder. Le couple passe ensuite par la radio où leur émission The Adventures of Ozzie & Harriet, une comédie mettant en scène les propres membres de la famille, connaît un succès national jusqu’au début des années cinquante. Leurs fils David et Ricky y font leurs premières apparitions. Après une adaptation sur grand écran en 1952 Here Come The Nelsons, la chaîne ABC leur propose un contrat de dix ans pour porter leur concept à la télévision. La sitcom narrant la vie de famille des Nelson, leurs joies, leurs déboires, battra des records de longévité, restant à l’antenne de 1952 à 1966.

Le jeune Ricky grandit donc sous les yeux de centaines de milliers d’américains, incarnant à la perfection la success-story glorifiée. Lorsqu’il épouse Sharon Kristin Harmon, cette dernière rejoint automatiquement le casting télévisuel. Ricky Nelson est donc une star dès son plus jeune âge. Parallèlement, il joue de la clarinette et de la batterie durant son adolescence, apprenant aussi les rudiments de la guitare. Passionné par Carl Perkins et les artistes Sun Records, il enregistre à seulement dix-sept ans le standard de Fats Domino I’m Walkin’ pour impressionner sa petite amie de l’époque fan d’Elvis. Appuyé par son show tv familial dans lequel il montre ses talents de musicien en interprétant notamment Blue Moon of Kentucky, le single grimpe vite dans les charts, suivi par A Teenager’s Romance qui se classe deuxième du Billboard. Son père lui décroche un contrat juteux avec Imperial Records qui publie Be-Bop Baby, single se vendant à plus d’un million d’exemplaires.

Son premier LP en octobre 1957, sobrement intitulé Ricky, devient numéro un avant la fin de l’année. La carrière de Nelson explose alors, son second album Ricky Nelson marchant dans les pas de son prédécesseur et se soldant à deux millions de copies. Entre 1958 et 1959, il place pas moins de douze hits dans les charts, battant sur le fil Elvis lui-même qui en détient onze. Mais le courant rockabilly commençant à s’épuiser et le continent américain subissant de plein fouet la tornade musicale anglaise, la carrière de Ricky bat de l’aile au cours des années soixante. Il se tourne alors vers le septième art qui lui offre quelques beaux rôles comme dans ‘Rio Bravo’ avec John Wayne et Dean Martin ou ‘Le raffiot héroïque’ avec Jack Lemmon. Vers la fin des sixties, il opère un virage musical adoptant le rock country et devenant un des pionniers de la musique californienne, ouvrant la voie à Linda Ronstadt, Jackson Browne ou les Eagles. Mais sa carrière vacille, son public attendant de lui qu’il interprète les vieux tubes qui ont fait sa renommée. Ses disques ne se vendant plus, il est même viré de son label MCA et débute une longue traversée du désert. Il continue à se produire dans des bars et clubs sur la côte ouest et quelques tournées dans le pays.

Las des voyages en bus Ricky Nelson et son groupe se procurent en 1985 un Douglas DC-3, un luxueux jet privé de quatorze places ayant appartenu à Jerry Lee Lewis. Après des concerts à Orlando et Guntersville, le groupe décolle pour un show de la Saint-Sylvestre à Dallas le 31 décembre en fin de journée. L’avion s’écrase non loin de sa destination tuant tous les passagers comprenant les musiciens, Ricky et sa femme de l’époque Helen Blair. Seul les deux pilotes ont pu s’extraire du cockpit avant que l’engin ne prenne feu après avoir réussi un atterrissage en catastrophe. Le rapport d’aviation conclura à une défaillance du chauffage en cabine qui aura provoqué un court-circuit dans l’habitacle.

Stevie Ray Vaughan ( 3 octobre 1954 – 27 août 1990) :

L’enfant terrible de Dallas est souvent considéré comme l’un des meilleurs guitaristes du blues et du rock et demeure une véritable source d’inspiration dans l’histoire de la musique. Il va redorer le blason du blues texan de T-Bone Walker, Albert Collins et Freddie King qui avait perdu de vitesse durant les décennies soixante et soixante-dix. Élu meilleur guitariste blues à plusieurs reprises de son vivant, il décroche six Grammy Awards durant sa carrière qui reste relativement courte et condensée due à son succès tardif. Le jeune Stevie découvre la musique vers l’âge de sept ans par l’intermédiaire de son aîné Jimmie qui l’initie à Muddy Waters, Otis Rush et Lonnie Mack. Stevie apprend sur le tas et développe son oreille musicale au fil de ses écoutes. Lorsque son frère quitte le foyer familial, il perd un repère solide et un soutien de poids dans l’étude de la guitare. Il enchaîne alors les petits boulots, faisant la plonge dans les fast-foods ou collectant les ordures dans les rues de Dallas.

Stevie commence à se produire dans les clubs et bars de la ville au début des années soixante-dix, attirant l’attention de Tommy Shannon qui deviendra ensuite le bassiste de Double Trouble. Il décide de quitter Dallas dont il pense avoir fait le tour pour Austin réputée pour être plus tolérante et agréable à vivre. Durant les années qui suivent, il joue avec différents groupes comme Blackbird, Krackerjack, The Nightcrawlers mais c’est avec The Cobras à partir de 1975 qu’il commence à gagner en notoriété dans Austin. La formation joue chaque semaine au Soap Creek Saloon qui devient vite ‘le temple du blues’. En parallèle, Stevie est amené à jammer avec les grands bluesmen qu’il a admirés durant son enfance lorsque ceux-ci sont de passage à Austin. Buddy Guy, Jimmy Rogers, Lightnin’ Hopkins ou Howlin’ Wolf ne tarissent pas d’éloges sur le petit prodige texan. A partir de mai 1978, il fonde Double Trouble (du nom d’une chanson de Otis Rush) avec Chris Layton à la batterie et son copain bassiste de longue date Tommy Shannon. Ils deviennent résidents du Rome Inn, le lieu le plus branché de la nuit à Austin où ils gagnent en notoriété d’année en année. Connu et reconnu dans tout le Texas, le groupe peine tout de même à se faire un nom dans le reste du pays. Mais repéré par le producteur Jerry Wexler, ce dernier les convainc de se produire au festival Jazz de Montreux en Suisse où la scène blues est appréciée à sa juste valeur.

Le trio monte sur scène le 17 juillet 1982 pour livrer une performance historique, Vaughan armé de sa Fender Stratoscater et drapé comme un cow-boy coiffé de son Stetson lui donnant des airs de Zorro. Jackson Browne, qui se trouve dans l’assistance, est tellement bluffé qu’il propose au groupe de leur offrir trois jours d’enregistrement dans son studio de Los Angeles. Ils accepteront pour pondre du 22 au 24 novembre leur premier LP. David Bowie, qui était lui aussi à Montreux, téléphone à Vaughan pour lui demander de venir graver quelques solos sur son prochain album Let’s Dance. Le texan tient le manche sur le morceau-titre et China Girl qui sortent l’année suivante et relancent la carrière de Bowie. Ce dernier désire même l’avoir avec lui sur sa future tournée mondiale mais Vaughan le plante étrangement au dernier moment, ce qui paradoxalement lui fait une sacrée publicité. Double Trouble se produit ensuite en première partie de Bryan Adams le 9 mai 1983 à New York devant un public constitué de Mick Jagger, Johnny Winter et Bill Gibbons entre autres. Stevie met le feu et toutes les personnes présentes sont conquises. Le lendemain la presse est dithyrambique, le New York Post affirmant même que le guitariste a volé la vedette à Bryan Adams. Le 13 juin sort leur premier disque Texas Flood qui contient les titres Pride & Joy, Love Struck Baby et Lenny ainsi que des reprises de Buddy Guy (Mary Had a Little Lamb) et Howlin’ Wolf (Tell Me). L’album est chaudement accueilli par la critique et crée la surprise en se vendant à un demi-million d’exemplaires alors qu’il se situe à contre-courant de la mode musicale des années quatre-vingt. Il remet le blues sur le devant de la scène populaire quand ce genre s’était essoufflé largement ces dernières années. Fier de leur succès grandissant, le groupe part ensuite tourner en Europe et en Amérique du Nord où ils ouvrent pour les Moody Blues devant un public sidéré qui se demande bien d’où sort ce trio infernal. Variety offre même sa une à Stevie le qualifiant de ‘guitar-hero de la décennie à venir’.

Le 15 mai 1984 sort leur deuxième galette, Couldn’t Stand The Weather, enregistrée sur seulement dix-neuf jours en janvier dernier. Vaughan expérimente de nouveaux horizons avec des incursions dans le jazz (Stang’s Swang) et la soul (The Things That I Used to Do) sans oublier sa reprise de Hendrix (Voodoo Child) qui confirme ses talents de guitariste et le succès non-usurpé de leur premier LP. Avant de s’envoler avec Double Trouble pour l’Asie et l’Océanie, Vaughan se produit le 4 octobre avec son frère Jimmie au Carnegie Hall devant un parterre hystérique. Cette association exceptionnelle et vivement relayée par les médias du fait de l’absence de ses deux acolytes Layton et Shannon aboutira à de nouvelles retrouvailles en 1990, quelques mois avant la disparition de Stevie, pour l’album Family Style le seul réunissant les deux frères. Le premier revers de sa carrière arrive avec Soul to Soul en mars 1985 qui ne rencontre pas le succès de ses précédents enregistrements. Vaughan est empêtré dans l’alcool et la cocaïne et souffre d’un manque d’inspiration si flagrant que les sessions se résument à des parties de ping-pong en studio. La seule note à retenir est l’embauche du claviériste Reese Wynans afin de soulager Stevie des parties rythmiques.

Lors d’une tournée en Europe à la fin de l’année, sa consommation d’alcool prend de telles proportions qu’il doit passer une semaine hospitalisé à Londres puis Atlanta. Il retourne ensuite se ressourcer chez sa mère à Dallas, où il passa la majeure partie de son enfance, durant la quasi-totalité de l’année 1986. Après quelques apparitions publiques comme à l’Austin Aqua Festival, Vaughan passe les deux années suivantes entre batailles juridiques (il divorce de Lenny, sa femme depuis 1978) et cures de désintoxication. De retour en studio en janvier 1989, Stevie et Double Trouble planche sur leur nouvel album qui sortira au moins de juin suivant. Le texan se sait attendu au tournant après le semi-échec de sa précédente production et ce In Step, qui constituera son dernier cadeau au public, est une véritable réussite. Teinté de jazz et aux sonorités très boogie, Vaughan s’en sort avec maestria là où il avait pêché par le passé. Ses compositions narrant ses récents déboires collent parfaitement au blues qu’il offre sans fioritures et sont criantes de vérité. Le titre, qui signifie ‘en accord’ ou ‘en phase’, est d’ailleurs très représentatif de ce qui est proposé. Vaughan est désormais raccord avec sa vie, sa musique et lui-même. L’album est encensé par la critique qui ne manque pas de souligner le retour au premier plan de Double Trouble et s’écoule à un million d’exemplaires, ce qui en fait la meilleure vente de sa discographie.

Le 26 août 1990 Stevie Ray Vaughan se produit avec Eric Clapton à l’Alpine Valley Music Theatre, un amphithéâtre en plein air situé au sud du Wisconsin. Après le concert, quatre hélicoptères sont mis à disposition des artistes et leur entourage pour rejoindre Chicago. Devant au départ embarqué avec son frère Jimmie et sa belle-sœur Connie, Stevie se retrouve avec trois membres du staff de Clapton (un agent, un garde du corps et le tour manager). Son hélicoptère décolle vers une heure du matin alors qu’un épais brouillard ainsi que des nuages noirs très bas remplissent le ciel. Ce dernier décolle d’un terrain de golf mais se déporte rapidement de son plan de vol pour venir s’écraser sur le flanc d’une colline d’une centaine de mètres bordant le site. L’appareil n’explosa pas et ne prit pas feu mais les quatre passagers plus le pilote furent tués sur le coup. L’annonce de la mort de Vaughan déclencha une vague d’émoi et de stupéfaction à travers le monde, de nombreux témoignages et louanges parvenant des quatre coins du globe. Clapton fut probablement le plus secoué, se remémorant comme les musiciens présents ce soir-là, les paroles de Vaughan prononcées la veille. En effet ce dernier avait narré avoir fait un terrible cauchemar où il s’était vu mort et assisté à ses propres funérailles. Celles-ci eurent lieu trois jours plus tard à Dallas devant une constellation de grands noms de la musique comme Eric Clapton, Jackson Browne, Stevie Wonder, Buddy Guy, Bonnie Raitt, ZZ Top ou encore David Bowie.

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