La carrière des Herman’s Hermits fut courte mais bien remplie. Loin d’être un groupe au succès unique (même si on s’attardera ici sur un de leur titre le plus connu), la formation de Manchester s’assoit au sommet des charts dès son premier single : I’m Into Something Good (1964). Il ne faudra guère plus de temps pour que, profitant de la Beatlemania et s’affichant comme figure de proue de la British Invasion, les Ermites fassent de même sur le sol américain. Ils placent plusieurs titres sur le podium du Billboard Hot 100 à seulement quelques mois d’intervalle, Can’t Your Hear My Heartbeat (1965), Mrs. Brown, You’ve Got a Lovely Daughter (1965), I’m Henry VIII, I Am (1966). L’ouragan Beat aura pour cause de faire des émules aux Etats-Unis, des groupes comme The Monkees ne cachant pas la ressemblance avec les mancuniens ou The Hollies. Ils ont au moins en commun d’avoir été montés de toutes pièces, vingt ans avant les premiers « boys bands », par les producteurs Don Kirshner pour les Singes et Mickie Most pour les Ermites. Londres est alors la capitale mondiale de la culture. L’économie du pays, en sommeil depuis la fin de la guerre, redécolle durablement et permet aux foyers plus modestes d’accéder à la consommation. Le lien qui séparait alors les classes aisées des classes populaires se fait plus ténu et celles-ci sont amenées à se côtoyer plus souvent. L’exemple le plus frappant de cette période transitoire est probablement la série Chapeau melon et bottes de cuir (Avengers en VO) où la vieille bourgeoisie dépassée, incarnée par John Steed, se heurte à la fraîche modernité que représente Emma Peel. Une forme de contre-culture née de ces bouleversements sociaux voit le jour et chamboule la société conservatrice de la vieille Angleterre. Mary Quant amorce la libération de la femme avec la mini-jupe, Carnaby Street s’affiche comme l’Eden de l’underground, le cinéma anglais à l’image de celui français débute sa nouvelle-vague dont Tony Richardson et Lindsay Anderson en sont les plus fidèles représentants et la musique pop est l’œil de ce cyclone ravageur. Le prestigieux magazine Time nommera en 1966 dans un de ses numéros ce mouvement « Swingin’ London », appellation qui passera à la postérité. Le compositeur Graham Gouldman, tout juste vingt printemps, nage en plein dedans depuis l’adolescence. Il a déjà offert quelques titres bien ronflants comme For Your Love (1965) ou Heart Full of Soul (1965) aux Yardbirds, Look Through Any Window (1965) et Bus Stop (1966) aux Hollies. Mais quand il propose sa nouvelle composition à ces derniers, Graham Nash et Allan Clarke la refusent la trouvant trop sirupeuse. No Milk Today est à juste titre un parfait ersatz de la « pop bubblegum » à venir. L’acétate atterrit entre les mains de Mickie Most qui, après le refus des Hollies, s’en méfie par conséquence. Mais Peter Noone, le frontman des Herman’s Hermits, ne s’est jamais caché d’être un chanteur à midinettes et décèle de suite son large potentiel commercial. Ajoutons à cela que les HH, comme stipulé dans leur contrat avec MGM, se devaient de fournir pas moins de 48 titres par an. Difficile à imaginer quand on sait que de nos jours un groupe sort un album tous les trois ans. Noone se rend donc aux Lansdowne Studios pour enregistrer No Milk Today, ainsi que sa future face A There’s a Kind of Hush et Dandy, une composition de Ray Davies des Kinks. Comme il prendra habitude alors de faire, il va délaisser son groupe pour ces sessions et s’entourer de pointures comme les futurs Led Zeppelin Jimmy Page (omniprésent à cette période) et John Paul Jones. Un orchestre sera ensuite ajouté, une première pour un titre des Hermits. Quant aux paroles, elles sont à première écoute mielleuses et surfaites comme reproché par The Hollies. Le protagoniste filait un parfait amour avec sa nana dans un « terrassed-house » (ces baraques mitoyennes typiquement anglaises à la façade unique) de banlieue jusqu’à ce que, ô surprise, cette dernière ne foute le camp. Il se retrouve comme un con avec ses bouteilles de lait consignées qu’elle seule buvait. Il les dépose donc devant sa porte, comme c’est coutume dans les pays anglo-saxons où le livreur de lait passe tous les matins faire le change, avec cette fois la mention « Pas de lait aujourd’hui ». Aveu hautement symbolique car comme déclaré dans la chanson, si cette note semblera anodine pour l’agent comme pour tout le quartier, elle signifie en vérité la perte de l’être aimé. La bouteille de lait vide devant la porte est alors l’allégorie de l’amour qui a fui la maison, comme l’expliquait le père Gouldman à son fils, à l’origine du morceau. Brillant non ? Mais d’autres esprits bien plus tordus verront dans No Milk Today, une apologie du sexe dissimulée. Quand Peter Noone chante « No milk today, My love is gone away », il statuerait en réalité que sa chérie s’étant barrée, il ne tirerait pas son coup aujourd’hui. Le lait se voyant la métaphore bien ciselée du… foutre. Riez bien mais quand on sait que Graham Gouldman fondera quelques années plus tard le groupe 10CC (10 centimètres cube) qui est la quantité moyenne d’une éjaculation, ça laisse songeur. Surtout que la même année en France, une certaine France Gall chantait innocemment Les Sucettes de Gainsbourg. Coïncidence ?
Ce 45 tours (celui présent ci-dessus) a la particularité de n’être jamais sorti aux Etats-Unis. No Milk Today paraîtra en face B de There’s a Kind of Hush en janvier 1967 et grimpera à la 4ème place du Billboard. En Grande-Bretagne, il atteint une modeste 7ème place et reste classé durant onze semaines. Le single se place deuxième en Allemagne et numéro un en Norvège et Pologne. En France aussi, le titre des Herman’s Hermits est numéro un durant trois semaines du 22 janvier au 19 février 1967 mais est détrôné par Inch’Allah de Salvatore Adamo. Le single est disque d’or aux Etats-Unis.
Le titre a été repris par 10CC, The Four Kings, The Jay Five, Elsa Martinelli, Josef Melen ou Joshua Jams. No Milk Today s’est surtout vu adapter dans de nombreux pays dont la France. Dès 1966 son année de sortie, Les Diamants sortent No Milk Today (Non pas ce soir). C’est ensuite au tour de Dick Rivers toujours la même année sous le titre Lettre à Michelle. En 1967, Frank Alamo signe sa version nommée A travers les carreaux. Il faut ensuite attendre 1980 avec Yves Wiczorek et Faut pas s’fâcher puis Les Garçons Bouchers en 1989 avec Du beaujolais (pour oublier la nuit où est partie Marie), de grands moments pour la chanson française.
No milk today my love is gone away
The bottle stands forlorn a symbol of the
dawn
No milk today it seems a common sight
But people passing by don't know the reason why
How could they know just what this message
means
The end of all my hopes the end of all my dreams
How could they know a palace there had been
Behind the door where my love reigned as queen
No milk today it wasn't always so
The company was gay we turn'd night into day
But all that's left is a place dark and
lonely
A terraced house in a mean street back of town
Becomes a shrine when I think of you only
Just two up to down
No milk today it wasn't always so
The company was gay we turn'd night into day
As music played the faster did we dance
We felt it both at once the start of our romance
How could they know just what this message
means
The end of all my hopes the end of all my dreams
How could they know a palace there had been
Behind the door where my love reigned as queen
No milk today my love is gone away
The bottle stands forlorn a symbol of the dawn
But all that's left is a place dark and
lonely
A terraced house in a mean street back of town
Becomes a shrine when I think of you only
Just two up to down
No milk today my love is gone away
The bottle stands forlorn a symbol of the dawn
No milk today it seems a common sight
But people passing by don't know the reason why
How could they know just what this message
means
The end of all my hopes the end of all my dreams
How could they know a palace there had been
Behind the door where my love reigned as queen
No milk today it wasn't always so
The company was gay we turn'd night into day
But all that's left is a place dark and
lonely
A terraced house in a mean street back of town
All that's left is a place dark and lonely
A terraced house in a mean street back of town
But all that's left is a place dark and lonely
A terraced house in a mean street back of town